Face à l’ampleur de la menace sur notre biodiversité, des mesures concrètes, globales et systémiques doivent être adoptées à la hauteur de l’urgence.
Selon des études récentes, 75% des espèces animales pourraient disparaître dans les siècles à venir, un constat alarmant qui souligne l’urgence de notre situation.
Les scientifiques parlent de la 6ème extinction de masse, avec une chute moyenne de 60% dans les populations d’espèces de poissons, d’oiseaux, de mammifères, d’amphibiens et de reptiles au cours des cinquante dernières années.
Renverser cette tendance est encore un scénario possible, mais nécessite une mobilisation collective pour enrayer le déclin du vivant.
L’importance de changer de narratif et notamment auprès des jeunes
Faire évoluer les mentalités est un impératif, surtout chez les jeunes, la prochaine génération de décideurs.
Le déclin de la biodiversité est souvent présenté sous un angle apocalyptique. Si cette approche met en évidence l’urgence de la situation, elle peut aussi générer un sentiment d’impuissance, notamment chez les jeunes. En effet, confrontée à l’immensité de la crise, la nouvelle génération peut se sentir dépassée, incertaine quant à sa capacité à influencer le cours des choses.
Cependant, cette génération a non seulement la capacité, mais aussi la responsabilité d’agir. Ils sont les décideurs, les consommateurs et les gardiens de demain, et leur engagement sera déterminant pour le futur de notre planète. Il est donc essentiel de réussir à inspirer et à motiver ces jeunes, plutôt que de les paralyser par la peur.
Étape indispensable pour y parvenir : changer les récits autour de la biodiversité. Au lieu de se concentrer uniquement sur l’étendue du déclin et des pertes, nous devons mettre en avant les solutions, les réussites et les moyens d’action. Il est crucial de montrer que chaque individu peut faire une différence, et qu’ensemble, nous avons le pouvoir d’infléchir la trajectoire actuelle.
En soulignant les initiatives positives, les actions concrètes et les changements tangibles que nous pouvons tous apporter, nous pourrons cultiver un sentiment de responsabilité et d’empouvoirement. L’éducation environnementale doit également jouer un rôle majeur dans ce changement de narratif. En fournissant aux jeunes les connaissances nécessaires pour comprendre et agir, nous pouvons les aider à devenir les champions de la biodiversité de demain. L’objectif est de créer une génération de citoyens actifs, conscients de leur impact et prêts à œuvrer pour un avenir plus durable.
Le point de vue de Gilles Boeuf – Biologiste, Professeur émérite à Sorbonne Université et ancien président du Muséum national d’Histoire naturelle.
Extrait de l’article Good Planet Mag du 23 mars 2022
« Comprendre qu’il faut s’occuper de l’environnement est aussi important que d’apprendre le français ou à compter »
Il faut mettre l’écologie à l’honneur en expliquant aux enfants, dès leur plus jeune âge, qu’ils font partie du vivant. Ils sont eux aussi une construction biologique. Il faut leur faire comprendre qu’ils sont plein de bactéries, qu’ils ne mangent que de la biologie et qu’ils coopèrent avec de la biologie. C’est normal d’avoir des acariens dans son lit le matin ou des bactéries sur soi, dans la bouche ou les cheveux, sans eux, on serait malade.
Il faut amener de la connaissance scientifique, montrer des images, expliquer, afin d’aller vers l’harmonisation de l’humain avec son milieu. Il faut montrer aux élèves un champ, ce qu’est un sol vivant ou encore une goutte d’eau de mer comme nous l’avons fait avec Tara.
Il faut faire comprendre que l’humain ne peut pas vivre sans l’environnement. À force de parler de l’humain vivant, on en oublie le non-vivant humain qui est pourtant essentiel.
(…) Le vivant et l’environnement ne sont certes pas parfaits, mais ils sont géniaux. Ils émerveillent sans cesse. Si on ne donne pas d’émerveillement à nos enfants, alors ils n’auront pas envie de l’avenir qu’on leur propose. En plus, on leur parle de sujets qui les plombent complètement comme la nécessité de remettre de la vie dans les sols pour nourrir 8 milliards d’êtres humains ou encore le fait que continuer à abîmer les océans rend impossible la survie de l’humanité. Comprendre qu’il faut s’occuper de l’environnement est aussi important, pour moi, que d’apprendre le français ou à compter. La beauté de la nature est un allié important dans cette prise de conscience.
Découvrir l’article dans son intégralité : https://www.goodplanet.info/2022/03/23/gilles-boeuf-defend-lidee-que-lecologie-soit-une-matiere-a-lecole-comprendre-quil-faut-soccuper-de-lenvironnement-est-auss/
Comment l’entreprise peut contribuer à la préservation de la biodiversité ?
Le secteur privé a un rôle crucial à jouer dans la préservation de la biodiversité.
Un nombre croissant d’entreprises commence à considérer la biodiversité non seulement comme une responsabilité éthique, mais aussi comme une nécessité stratégique. Elles prennent conscience que la santé de la biodiversité est une condition préalable à une économie durable, étant donné que 60% du PIB mondial en dépend.
La réduction de l’empreinte environnementale constitue une première approche adoptée par ces entreprises. Elles s’efforcent de préserver les écosystèmes dans leur environnement opérationnel, de limiter leurs émissions nuisibles et d’adopter des pratiques écologiquement durables.
En parallèle, elles s’engagent financièrement dans des projets de conservation de la nature, que ce soit à travers leurs propres initiatives ou en formant des partenariats avec des organisations environnementales.
Toutefois, pour que ces efforts portent leurs fruits, il est primordial que les structures comprennent profondément les enjeux liés à la biodiversité. À cette fin, des outils d’évaluation sont à leur disposition pour mesurer les impacts de leurs activités sur la biodiversité, une étape essentielle pour une intégration réussie de celle-ci dans leur modèle économique.
La prise en compte de la biodiversité peut également améliorer la réputation de l’entreprise. En effet, les systèmes de notation financière accordent de plus en plus d’importance aux normes environnementales.
Finalement, au-delà de leurs propres actions, les entreprises ont un rôle crucial à jouer dans la sensibilisation à l’importance de la biodiversité. En éduquant leurs employés, leurs clients et leurs partenaires, elles peuvent favoriser une prise de conscience et une action collective.
Les entreprises peuvent devenir des acteurs clés dans la lutte contre la perte de biodiversité. En intégrant la biodiversité dans leurs modèles économiques et politiques internes, en limitant leur impact environnemental, en soutenant des initiatives de conservation et en sensibilisant à l’importance de la biodiversité, elles ont le pouvoir de contribuer de manière significative à la préservation de notre patrimoine naturel.
Le point de vue de Stacy Algrain, Journaliste et Activiste pour la justice environnementale
« 60% du PIB mondial dépend de la biodiversité ».
Pour certains, la simple lecture de cette phrase suffit à faire virer tous les voyants au rouge, à déclencher des crépitements cérébraux et à comprendre l’air ébahi que : « ah oui, tout de même ».
Plus qu’une question de préservation de l’habitabilité de la Terre, la survie même de notre économie serait en jeu.
Essentielle, que dis-je, vitale… la biodiversité l’est en réalité également pour une myriade d’autres raisons.
Pourtant, tandis que les enjeux liés au changement climatique font leur place dans l’espace politico-médiatique et dans les entreprises, la biodiversité conserve son rôle de parent pauvre.
Et pour cause, elle a longtemps été perçue, à tort, comme un sujet bon à reléguer aux cours de SVT niveau première (c’est dire). Pour les amoureux de nature et passionnés de papillons ? Soit ! Pour les gens sérieux et les adeptes des sciences dures ? Sûrement pas !
Entre les préjugés d’une nation vouant un culte aux ingénieurs et ceux des héritiers de la dualité entre nature et culture, nous faisons fausse route.
La biodiversité, ce ne sont pas seulement les ours polaires sur leur banquise et les moustiques victimes de nos pare-brises.
C’est 1 million d’espèces recensées pour 7 à 9 millions qu’il reste à découvrir.
Ce sont des écosystèmes précieux allant de ceux qui, à l’instar de l’océan et des forêts, nous fournissent de l’oxygène, à ceux qui séquestrent le fameux CO2 comme les tourbières et herbiers de Posidonie.
Richesses encore méconnues, nous découvrons chaque jour x nouvelles espèces et autant de prouesses surprenantes. Souvenez-vous, les ailes des chauves-souris avaient inspiré Léonard De Vinci pour sa machine volante et des ingénieurs japonais avaient pu concevoir un TGV consommant 10% d’électricité en moins en mimant la morphologie aérodynamique du martin-pêcheur… Gouttes d’eau dans un océan d’innovation bio-inspirées, l’ingéniosité du vivant devrait également appeler à plus d’humilité et de responsabilité.
À ce propos, les scientifiques que j’ai pu interroger me l’ont tous dit, en travaillant sur le terrain et en découvrant davantage le vivant, ils n’ont été confortés que dans une chose : l’étendue de notre méconnaissance. Alors à l’heure où l’urgence environnementale nous exhorte à agir toujours plus vite, il est urgent d’adopter une vision systémique.
Le rapport conjoint du GIEC et de l’IPBES, publié en 2021, nous le rappelait : la question climatique et la biodiversité sont les deux faces d’une même pièce. Répondre à la première sera donc impossible sans une remise en question de notre impact sur les écosystèmes et le vivant qui l’habite.
Les limites planétaires en sont également l’un des témoins. Là où le changement climatique n’en est qu’une, 7 des 9 reposent sur la biodiversité.
Toutefois, si ces limites chiffrables et reposant sur une démarche rigoureusement cadrée sont primordiales et oh, combien incontournables dans la rationalisation de nos choix collectifs, elles ne représentent qu’une partie de la réponse.
Parler du vivant, cela signifie également sortir d’une démarche froide et purement mathématique. C’est chérir la science, ses données et sa rigueur, sans renier la part sensible inhérente à ce nouveau défi : réinventer notre rapport au monde et au vivant non-humain.
Baptiste Morizot parle d’une crise de la sensibilité qui ne nous permettrait plus de saisir la richesse de ce monde que nous contemplons. Un constat auquel Bruno Latour adhérait lui aussi pleinement, appelant à tout complexifier, à ajouter des paramètres dans l‘équation et à s’aventurer dans cette part inexplorée de nos territoires.
En tant que journaliste, là est justement ce que je tente, humblement, de proposer : entremêler la rigueur scientifique à la poésie que nous transmet le vivant.
Dans vos entreprises, vous avez également ce pouvoir.
Celui de mesurer rigoureusement votre impact en vous basant sur des outils et méthodologies éprouvés.
Celui de questionner votre rapport au monde : est-ce simplement un ensemble de ressources à exploiter ou un entrelacement de relations complexes à protéger ?
Mais, plus que jamais, face à ces questionnements et alertes, nous sommes dotés d’une mission : faire de l’humilité, de la curiosité et du principe de précaution, nos boussoles à chaque étape.
Conclusion
L’urgence de la préservation de la biodiversité est indéniable. Changer le narratif et responsabiliser la prochaine génération, tout en incitant les entreprises à s’engager activement dans cette cause, sont des étapes clés vers une planète plus résiliente. Tout le monde a un rôle à jouer : chaque action compte et peut contribuer à freiner la 6ème extinction de masse. Ensemble, nous pouvons faire la différence et assurer un avenir sain et durable pour tous les êtres vivants.