Interview
Gabrielle Vizzavona
Experte en vins et spiritueux
13 septembre 2021
Conférencière, elle dirige et anime des Masterclass, dégustations et débats sur le thème du vin.
Gabrielle Vizzavona, vous êtes experte en vins et spiritueux. Racontez-nous votre parcours.
J’adore le vin, depuis l’enfance, c’est un milieu qui me fascine. Mon grand-père était vigneron et négociant, et le vin a toujours été présent dans ma famille. Cependant, pour mes parents qui sont scientifiques, ce n’était pas un métier envisageable. J’ai commencé par des études d’économie, j’ai un Master de Finance et un Master 2 d’Économie Publique. J’ai travaillé quelques mois comme broker de produits dérivés d’inflation à Londres avant de comprendre que cela ne serait jamais pour moi, ce que je pressentais déjà très fortement. J’ai ensuite suivi une formation de 4 ans sur le vin et les spiritueux, qui a consisté partiellement en un tour du monde des terroirs de 25 pays. C’était important pour moi de prendre le temps de comprendre cet univers si complexe qu’est le vin. J’ai trois pôles d’activité aujourd’hui, et depuis plus de dix ans je conseille hôtels, restaurants et commerces sur leurs sélections de vins et spiritueux, je donne des conférences (pour des entreprises, des salons…) et des cours sur ce thème (principalement en Master et MBA), et je suis journaliste presse et TV.
Vous dégustez plus de 5 000 flacons par an… Arrivez-vous à retenir chaque saveur, chaque odeur, et à les associer aux vins correspondants ?
Tout comme le goût, la mémoire olfactive se travaille comme un muscle. C’est elle qui est le plus directement connectée au cerveau primitif, c’est pourquoi le souvenir des odeurs reste plus longuement que ceux visuels ou auditifs. La difficulté de mon métier de dégustatrice est de pouvoir tenir dans la durée, c’est-à-dire de pouvoir encore juger de la qualité ou du potentiel d’un vin après une série de 40, 50, ou plus. Il n’est pas difficile d’identifier les odeurs avec un peu d’entraînement. Mais cela reste malgré tout assez subjectif car lié à sa culture et à son éducation gustative. J’ai donné une conférence sur ce thème il y a quelques années, pour un grand tonnelier bordelais : « Comment notre culture influence notre goût ?».
Question piège… Quel est le meilleur vin que vous ayez dégusté de toute votre vie ?
Un Vosne-Romanée 1955 du Domaine Leroy, en compagnie de Lalou Bize Leroy, la propriétaire qui est aussi l’héritière du Domaine de la Romanée-Conti, autour d’un déjeuner dans sa cuisine, à Auxey-Duresses.
Vous voyagez à travers le monde : quels sont les pays qui vous ont le plus marqué ?
J'ai eu ces dernières années un immense coup de cœur pour la Géorgie, le berceau du vin — des biomarqueurs de raisin fermenté ont été retrouvés sur des jarres datant depuis de 8 000 ans —. Un pays fascinant, où chaque famille fait son vin maison et qui a la tradition remarquable du « Toast Master », de longues réunions familiales où une succession de « Toasts » est menée par le maître de cérémonie. J’ai aussi adoré l’Islande, pour ces paysages lunaires à couper le souffle. On n’y produit pas de vin, mais des spiritueux de très haute qualité.
Vous donnez des conférences et conseillez des entreprises. Quels sont vos thèmes d’intervention ?
J’interviens sur des thématiques variées liées au vin autour des notions de perceptions olfactive et gustative, de luxe et d’artisanat français (ce que la viticulture exprime particulièrement bien !). Bien entendu, je peux aussi mettre en place des dégustations commentées, qui font le lien entre l’entreprise et la thématique choisie. J’ai par exemple organisé une dégustation de champagnes pour une marque de cosmétique dont l’univers est lié à la mer. Tous les champagnes choisis exprimaient cette salinité héritée d’un terroir de plus de cent millions d’années, alors qu’une mer chaude recouvrait les paysages et y déposait craie et sédiments marins.
Si vous en aviez la possibilité, que feriez-vous pour changer le monde ?
Je rendrai l’éducation et la culture accessible à tous. Sans doute la meilleure arme de paix.
"C'est la mémoire olfactive qui est le plus directement connectée au cerveau primitif, c’est pourquoi le souvenir des odeurs reste plus longuement que ceux visuels ou auditifs"
Si vous pouviez voyager dans le temps, quel conseil donneriez-vous à l’enfant que vous étiez ?
Je lui conseillerai de suivre ses intuitions.